Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
1 septembre 2011 4 01 /09 /septembre /2011 20:52

Capture-plein-ecran-09012011-210034.bmp.jpg

Plutôt déçu par ce roman d'un auteur que j'apprécie beaucoup habituellement. Le titre se suffit à lui-même. Il s'agit en fait d'une promenade dans le quartier chinois de La Havane. L'intrigue est faible et le personnage principal Mario Condé a l'air vraiment fatigué.

Padura nous dit lui même dans une note préliminaire que le sujet de son roman est la solitude et le déracinement. Malheureusement le lecteur n'arrive pas à se glisser dans la peau des personnages tant les situations semblent artificielles et peu crédibles. A mon avis, cela a été une erreur de convertir ce qui était au départ un reportage dans le quartier chinois en roman policier, car le décor passe au premier plan et l'intrigue a bien du mal à progresser.

On excusera Padura qui nous a laissé bien d'autres chefs d'oeuvre.

Partager cet article
Repost0
5 janvier 2011 3 05 /01 /janvier /2011 23:22

 

Capture-plein-ecran-01042011-190537.bmp.jpg

 

Après la lecture de Purge, je reste un peu sonné. C'est un peu comme si j'avais fait un long rêve dans un univers totalement étrange satanique et glauque. Un voyage dans le monde de l'enfer, mais pas un enfer chaud, un enfer glacé où les cœurs et les corps gèlent lentement, lentement comme la mer prise par les glaces.

L'approche du destin individuel de deux femmes opprimées, violentées, torturées, qui portent de manière indélébile la trace de la souillure première, mais fondamentalement rebelles et cachant au fond d'elles mêmes les ressources qu'apporte la force dernière du désespoir.

Les hommes font la guerre, dans un camp ou dans un autre, les femmes ne font pas la guerre mais elles dépendent tout entière des hommes, par amour pour l'une, par soumission pour l'autre. Elles se débattent dans un monde glauque en cherchant à améliorer leur condition, l'une reste et pactise avec le diable pour acquérir à bon compte le clos et le couvert, l'autre fuit pour gagner de l'argent et avoir une vie digne de ce nom. L'une et l'autre se retrouveront face à elles-mêmes et le choix sera entre la survie et la mort.

Ces deux destins se croisent et les deux femmes que deux générations séparent se trouvent, se découvrent et d'une certaine manière se protègent l'une l'autre. Elles ont un secret à partager.

Ce qui nous, les lecteurs, nous tient en haleine dans ce livre, c'est le style du récit, le réalisme des situations, les sentiments et les actes de chacun des personnages qui sont autant de tentatives d'exister dans un monde hostile et glacial où chacun épie tout le monde, où chacun cherche à faire chuter l'autre pour lui voler le peu de bien qu'il a, où le mafieux violente et avilit les corps pour mieux soumettre les esprits. Jusqu'où peut aller l'horreur d'une vie ordinaire qui a dévié de son cours dans un monde où règne la loi du plus fort, la loi de la puissance dominante. Les plus médiocres pactisent, les moins mauvais se cachent pendant que les plus forts se servent et brisent tous ceux qui entravent leur chemin.

Nos deux femmes n'échappent pas à leur destin de honte et de soumission, mais pour survivre, elles utilisent tous les moyens, les moyens du désespoir, c'est la seule issue  échapper au néant.

Certaines scènes sont à la limite du soutenable, mais ce ne sont pas celles qui m'effraient le plus car la littérature contemporaine se complait souvent à décrire la barbarie la plus immonde. Disons que nous y sommes habitués. Mais ce qui m'horrifie le plus, c'est cette vie où l'on n'est personne, où l'on vit dans un trou à rat, dans un cagibi ou dans l'arrière salle d'un bordel infâme et où tout se passe comme si on n'existait pas, comme si on n'était rien, à peine un objet.

En définitive, chacun est à la fois coupable et victime, c'est la lutte pour la vie qui s'impose. L'idéologie, les croyances, la politique, tout cela sert d'alibi à des intérêts personnels ou collectifs. Pour s'en sortir, on trahit, on tue, on aime comme on le peut, on fuit, certain qu'il ne peut y avoir pire que là où l'on est.

Pas de bla-bla, le problème est de manger, de boire et de dormir, ou de rester en vie en devenant un objet, en acceptant les coups et en avouant son avilissement et sa propre déchéance.

L'art de Sofi Oksana consiste à mettre le lecteur sous pression en permanence, à chaque page notre inquiétude s'accroît, il arrive même qu'on souhaite le pire, tout simplement pour qu'il arrive !

C'est peut-être une des premières fois où je n'ai pas pris de notes en lisant un livre. Parce qu'il n'y a pas de notes à prendre, pas de pensées, par de prise de recul. Les faits, les sentiments des personnages sont présentés de manière brutale, directe, tout est au premier degré et c'est ce qui fait la force de ce livre.

Ce roman est en quelque sorte un torrent qui dévale la montagne en charriant tout ce qu se trouve sur son passage. Pas d'analyse, pas de conseils, pas de morale. On se situe en deça du bien et du mal, on est en prise directe avec le réel.

Un livre dont il est difficile de rendre compte, mais qui laisse des traces dans les consciences.

Un style puissant, une construction romanesque qui fait la part au va et au vient, un monde palpable, pleins d'odeurs, de couleurs et de bruits, des personnages durs, mais qui ne sont pas tous dépourvus d'humanité, certains sont aveugles, d'autres lucides, mais à quoi bon ? Aucun n'a réussi sa vie ! La seule issue pour s'en sortir : la mort !

Un livre de qualité qui nous vient du froid. 

Partager cet article
Repost0
17 novembre 2010 3 17 /11 /novembre /2010 17:24

Capture-plein-ecran-11142010-002921.bmp.jpg

Je dis qu’il y a de l’universalisme dans ce livre.

D'un côté la toile de fond de l'Histoire avec la guerre de Corée, nous sommes au début des années 1950, de l'autre une vie d'étudiant faite de découvertes, de séductions et de petites querelles, insignifiantes, sans importance.

 

  Roth porte le regard de l’homme mûr sur ce que son personnage principal, Marcus, a vécu à une époque de sa vie où il découvre le monde universitaire sans en saisir le sens profond et les conséquences qui pourront découler de ses choix.

Le livre, qui témoigne d'une grande finesse d'analyse, nous aide à comprendre certains épisodes de notre vie, de nos relations avec notre famille, avec nos amis, avec ceux qui représentent les institutions, qu’ils soient étudiants ou professeurs ou encore avec ceux qui viennent d'autres mondes. Nous sommes au cœur d'un carrefour de la vie. Tout peut basculer du jour au lendemain.

Concomitamment à la découverte étonnante d'un monde universitaire plein de promesses et d’embûches, jaillit un regard inquiet sur l’ancien monde vacillant, celui de la famille, des relations avec les parents, les proches, les amis d'enfance...  Progressivement les relations changent de nature. « Les siens » deviennent « des autres », presque des étrangers. Les positions bougent, comme sur un échiquier et il n'est plus possible de revenir en arrière. C'est du moins ce que l'on peut croire si l'on fait une analyse superficielle.

Mais ceux qui habitent l'ancien monde - les parents en particulier - et qui redoutent le changement, expriment une volonté profonde d’un retour permanent aux valeurs inculquées. Tous les moyens sont bons pour préserver l'héritage, jusqu'au chantage affectif.

En apparence, il est trop tard, la tentation est celle du refus catégorique. Pas question de renoncer à cette toute nouvelle liberté à laquelle Marcus vient de goûter, à la magie d'un amour naissant. Mais les autres, ceux de l'ancien monde ont bien réussi leur éducation. Les bornes, les barrières, les limites, les interdits confortés par l'affectif sont en nous, ils sont une partie de nous-mêmes, à notre corps défendant.

En réalité, on n'échappe pas au monde qui nous a façonné. Nous restons les mêmes. Est-ce à dire que nos destins sont écrits ?

Marcus est un étudiant brillant, mais il est juif et fils de boucher. Telle est sa condition. On le lui fait sentir, aussi bien ses amis que ses ennemis : "Choisis ton camp !" Roth décrit à merveille les difficultés troubles de son personnage, ses hésitations, son manque de confiance en soi, et en définitive sa préscience de ce qui va arriver. Peu à peu il prend conscience que la manière dont il entend conduire sa vie le rend vulnérable.

 

Dans la relation naissante entre Marcus et une étudiante belle et fragile, l'auteur nous fait toucher du doigt l'étonnante pudeur du garçon découvrant les pratiques sexuelles de sa girl-friend, qui peu à peu se transforme en incrédulité teintée de mépris. Hésitations, tergiversations, maladresses, incompréhensions, rejet familial tueront cette belle occasion de la vie. Tout s'enchaîne pour que cet amour ne se réalise pas.

 

Cette liberté qui rend ivre celui qui échappe à un milieu familial pesant est-elle réelle ? N'a-t-elle pas pour effet de révéler à celui qui l’exerce les éléments profonds de sa différence : sa culture, ses désirs, ses habitudes et sa vision du monde. En réalité, rien n'est gratuit, tout compte. 

Bientôt Marcus découvre que son destin ne peut pas être le fruit du hasard. Alors qu'il aurait pu être le premier de sa promotion et s'installer dans une vie prospère s'inscrivant dans l'"American Way of Life", pour des raisons insignifiantes à l'échelle d'une vie, il devra partir faire la guerre en Corée où l'attendra son destin.

 

 

 

 

C’est ce passage du monde de la famille et de l'enfance à celui du monde des adultes, oh combien important dans notre vie, et parfois tragique, que décrit avec minutie et une grande maîtrise de l’écriture Philip Roth.

C'est aussi l'indignation générée par les conséquences que peuvent avoir des actes sans grande importance sur le déroulement d'une vie qui est au coeur du roman.

 

Bravo Mister Roth, à quand le Nobel de littérature ?

Partager cet article
Repost0
13 août 2010 5 13 /08 /août /2010 23:42

" - Un poème, répondit-il, commence par une voix à peine perceptible qui tinte à l'oreille bien avant que les mots ne se forment. Elle indique que la recherche des mots perdus a débuté. Mes lèvres remuent en silence, m'a-t-on dit, jusqu'à ce qu'elles prononcent des mots ou des phrases sans suite. Petit à petit cette voix intérieure devient plus distincte et laisse apparaître des unités de sens; à ce stade, le poème se met à frapper comme un poing au carreau. Pour moi, l'écriture poétique a deux phases : lorsque les premiers mots se font connaître, et lorsque les derniers mots étrangers, enfoncés comme des échardes dans le corps du poème, en sont chassés par les bons mots."

Littel met ces mots dans la bouche du grand poèrte russe Mandelstam.

Partager cet article
Repost0
10 août 2010 2 10 /08 /août /2010 16:24

Capture-plein-ecran-08102010-172314.bmp.jpg 

Je continue ma découverte de cet écrivain chilien. Je tombe par hasard sur le livre publié chez Métaillé : "Le monde du bout du monde". Je n'hésite pas, j'achète. Je me retrouve dans un roman d'aventure, une histoire de mousse qui a 17 ans quitte la grande ville pour tenter l'aventure de la mer. Son oncle Pepe lui a lu "Moby Dick" d'Herman Melville et depuis ilrève de cet univers dur et pur. L'aventure se concrétise. Ilarrive enfin sur un baleinier. Il découvre des hommes rude, un univers difficile et sans pitié. En quelques mots il révèle ses sentiments:

 " - Oui, le voyage, le bateau m'ont plu. Et vous, vous me plaisez aussi. Et la mer me plaît. Mais je crois que je ne serai pas baleinier...

- Dites donc. C'est pas comme dans le roman ? ... Vous savez mon petit ami, ça me fait plaisir que la chasse ne vous ait pas plu. Il y a de moins en moins de baleines. On est peut-être les  baleiniers dans ces eaux, et c'est bien comme ça. L'heure est venue de les laisser en paix."

Chacun partage ce constat, les baleiniers eux-mêmes et le jeune mousse. Mais, tout le monde n'est pas de cet avis, et c'est là que le récit commence. Un véritable récit de guerre entre les prédateurs humains (on devrait plutôt dire inhumains!) et les défenseurs d'une  faune qui agonise.

D'un côté Greenpeace et sa flotte fragile mais célèbre dans le monde entier, de l'autre des navires fantômes rayés des registres, véritables usines flottantes illégales qui aspirent les fonds marins à l'aveugle, assistés par des hélicoptères et qui laissent derrière eux une bouillie sanglante qui colore les flots d'une indicible marée rouge.

Sepulveda fait le parallèle entre les premiers colons venus d'Europe, exterminateurs des indiens et ces colons des temps modernes qui massacrent faune, flore et humains.

Ainsi, écrit Sepulveda, la mère du capitaine Nilssen, capitaine au long cours qui lutte pour défendre les cétacés des mers du sud, qui était une indienne Ona " a été la victime et le témoin d'un des grands génocides de l'histoire moderne. Des propriétaires qui sont aujourd'hui vénérés comme des paladins du progrès à Santiago et à Buenos Aires ont pratiqué la chasse à l'indien, payant dix onces d'argent par paire d'oreilles, puis par testicules, par seins et enfin par tête de Yagan, d'Ona, de Patagon ou d'Alacalufe qu'on leur apportait dans leurs estancias." p 84.

Un autre exercice décrit par Seupulveda quelques lignes plus loin concerne le tir au pigeon gelé... Mais j'arrête là. C'est trop horrible !

Soudain, après une longue enquête sur les navires de pêche battant pavillon de complaisance et le récit des péripéties de journalistes trop curieux, au détour d'une page apparaît dans les eaux tranquilles des fjords des mers australes un énorme navire-usine japonais qui fend à toute vitesse les eaux du golfe, tel un fauve il se dirige droit sur ses proies et alors se produit le grand carnage. Je n'en dirai pas plus, sous peine de déflorer le livre. Mais qui peut rester indifférent devant ce récit ?

La cruauté et la cupidité des hommes n'a pas de limites et l'histoire est un éternel recommencement. Dans les zones lointaines, tout est permis.

Je vous laisse aussi découvrir l'incroyable rebondissement de l'histoire qui m'a fait vibrer de plaisir.

Y aurait-il quand même une justice dans ce monde ? Cela vaut la peine de se révolter, de se battre contre l'inacceptable ! Certes il y a des causes encore plus dramatiques que celle des baleines Chaudron, mais tout cela, au même titre que les génocides de peuples entiers, participe d'un même mouvement, d'une même dynamique haîneuse, celle de l'anéantissement de ceux qui ne sont pas comme vous, qui ne pensent pas comme vous, qui vous empêchent de faire ce que bon vous semble !

C'est pourquoi, ce petit livre, qui commence comme un beau livre d'aventure, nous conduit pas à pas au bord du goufre en essayant de nous faire prendre conscience que les vrais prédateurs de ce monde sont bien les humains, ceux qui n'ont ni foi, ni loi, et qui ne pensent qu'à s'enrichir, par tous les moyens.

Un beau livre, bien écrit, qui nous plonge au coeur des problèmes de notre époque. Il y est tout simplement question de notre survie.

 

Partager cet article
Repost0
21 juin 2010 1 21 /06 /juin /2010 01:42

Capture-plein-ecran-06212010-014812.bmp.jpg 

C'est un livre qui se lit en deux heures environ (149 pages). Le personnage principal c'est cette ombre, ombre du passé mais qui est toujours présente. Ombre d'une lucidité incroyable qui cherche à transmettre ce qu'elle appris de son expérience terrifiante et de la lutte à mort contre la dictature.

- Le thème

Il s'agit de la rencontre entre quatre anciens militants de gauche qui se retrouvent pour monter un coup programmé par l'Ombre, un homme mystérieux, mi-vivant, mi spectre, qui symbolise l'expérience acquise par ceux qui se sont dressés pour soutenir Allende et pour combattre la dictature, souvent au sacrifice de leur vie. Ce coup consiste à attaquer une banque, ou presque.

- Le ton du roman

Le ton à la fois humoristique et sérieux de l'auteur constitue l'un des charmes de ce livre. Sepulveda se moque des gauchistes fanatisés, des dictatures qui se proclamaient socialistes, mais il décrit aussi sans pitié les nouvelles pratiques de la société chilienne bourgeoise qui vit dans les quartiers chics de Santiago.

Le jeu permanent entre humour et évocations tragiques, entre proximité et distance, entre imaginaire et réalité, entre folie et raison donne tout son mordant au livre.

Voici quelques exemples qui, malgré la traduction, permettent d'apprécier cette fraternité entre des hommes qui ont combattu la même imposture et qui sont restés impuissants dans un monde qu'ils n'ont pas voulu bâtir :

" Le vendeur lui indiqua une des trois tables recouvertes de toile cirée et abandonna son comptoir pour apporter une bouteille de vin et deux verres. Il les remplit, les deux hommes se regardèrent brièvement dans les yeux et y découvrirent les mêmes ombres, les mêmes cernes, le même glaucome historique qui leur permettait de voir des réalités parallèles ou de lire l'existence résumée en deux lignes narratives condamnées à ne pas coïncider : celle de la réalité et celle des désirs. Les naufragés d'un même bateau ont un sixième sens qui leur permet de se reconnaître, comme les nains." Je trouve ce passage très émouvant, admirable !

Le livre est également parsemé de citations et de noms de poètes, d'écrivains, de titres de films. C'est une autre dimension-clé, celle des rêves de ces ex-militants, de l'ancrage de la révolution dans la culture et dans des valeurs humanistes profondes. Depuis la chute d'Allende chacun a vécu sa vie, l'un, Cacho Salinas, a passé treize années de sa vie à Paris, l'autre, Lolo Garmendia, s'est aventuré en Roumanie, celle de Ceaucescu, décrite avec humour et férocité : " Déjà, à cette époque, mes amis, le Conducatore avait décidé d'exporter tous les produits agricoles, nous condamnant, nous qui vivions au paradis socialiste, à bouffer une sorte de saucisse fabriquée avec tous les rebuts et les tripes des animaux. Ca avait l'odeur et le goût de la merde, pourtant je n'ai même pas réussi à en acheter quelques tranches car la carte de rationnement qui nous rendait tous heureux et égaux dans l'esprit du Titan des Titans, ne pouvait être utilisée que dans mon quartier."

Autre moment savoureux, le récit que fait notre auteur du regard que porte Conception Garcia, la compagne alcoolique de Coco Aravena, sur leur vie commune: " Sur l'écran sombre du café, la vie défila à toute vitesse : la brève romance, le mariage, la déception de sa famille en la voyant épouser un minus qui refusa de passer par l'église sous prétexte que la religion était l'opium du peuple et transforma la déjà très courte cérémonie à la mairie en une sorte de happening, mi réunion d'Amish mi congrès de réparateur d'ascenseurs, car tous ses témoins portaient rigoureusement le même costume boutonné jusqu'au cou et le même missel rouge du Traitement correct des contradictions, collé sur la poitrine comme un nichon rouge..."

Les héros sont fatigués, sauf l'Ombre...: " Les quatre hommes se regardèrent. Plus gros, plus vieux, chauves et la barbe blanchie, ils projetaient encore l'ombre de ce qu'ils avaient été.

 La construction romanesque

L'architecture du roman est très réussie. On part du passé en juillet 1925, puis septembre 1973, pour aboutir dans le présent dans le seul but de nous projeter dans l'avenir de ce pays si attachant qu'est le Chili. La succession des générations, celles qui ont vécu le passé chilien de 1925, celles qui ont subi tragiquement les années Pinochet ont échafaudé les mêmes rêves, l'espoir demeure pour la génération née après 1973, elle permet à un nouveau Chili d'émerger ! Les espoirs et les rêves anciens pourront enfin se réaliser. Encore faut-il que les femmes et les hommes d'aujourd'hui, symbolisés par le Commissaire Crespo et son adjointe prennent conscience de ce qui s'est passé et mettent en place à leur tour un monde meilleur.

 

J'évite en fin de dévoiler le fin mot de l'histoire, je laisse à chacun le soin de le découvrir, car c'est un livre dont je vous recommande la lecture.

A savourer différemment selon ses opinions politiques !

Partager cet article
Repost0
7 mars 2010 7 07 /03 /mars /2010 17:23



Capture plein écran 03072010 172820.bmp

Bukowski est un écrivain hors norme, une sorte de provocateur, qui cache une profonde détresse et des angoisses à n'en plus finir.
Ici il aborde le roman policier, à sa manière, c'est-à-dire en dehors des clous. Certains lui trouvent un talent fou, d'autres font la fine gueule. Il y a à la fois du Céline et du Frédéric Dard chez Buko. Alors, on aime ou on n'aime pas, c'est clair.
Pour ma part, je n'ai pas été tout de suite convaincu, ce n'est en tout cas pas du Céline, même si Céline est un des personnages fantastiques de Pulp, et c'est à l'évidence plus profond que du Frédéric Dard. A vrai dire c'est la première fois que j'abordais cet auteur à la réputation sulfureuse !
Au fil des pages cependant, et après de nombreux arrêts en cours de route, j'ai réussi à entrer dans l'univers totalement loufoque d'un "privé" caricatural qui a pour nom Nick Belane.
Les personnages qui entourent Nick  sont des créatures surréalistes : et d'abord, Lady Death, la Grande Faucheuse, qui veut à tout prix mettre la main sur Céline, l'écrivain qui bien que mort, hante chaque jour les rayons d'une librairie d'Hollywood, ensuite il y a Jeannie l'extra-terrestre qui renoncera à coloniser la Terre tellement cette planète la dégoûte, et enfin il y a l'énigme principale, celle du Moineau Ecarlate qui sera résolue d'une manière inattendue.
Intéressante cette réflexion de Nick qui s'adresse à l'un de ses interlocuteurs psychiatre de son état :
" Je m'étais décidé à venir le consulter pour qu'il me dise si Céline, le Moineau Ecarlate, la Grande Faucheuse, Nitro, Jack et Cindy Bass n'étaient que des fantasmes, et si, le cas échéant, je perdais la boule. Car aucun de ceux-là ne ma paraissait se comporter logiquement. Etaient-il sortis tout droit de mon imagination ? Et si oui, pourquoi ?" p. 92
Ce fameux détective, qui est en fait une véritable épave, malmené par la vie, obsédé par le sexe et sans cesse sur la défensive, est confronté à des énigmes toutes aussi farfelues les unes que les autres.
Mais Belane-Bukowski a sa propre vision de la condition humaine et c'est là toute l'originalité de l'ouvrage. Il vit mal sa vie d'homme.
L'un de ses personnages extra-terrestre établit un diagnostic sans ambiguïté de nos oeuvres, approuvé d'ailleurs par Nick :
 " - Qu'y a -t-il donc de si affreux sur cette... Terre ? (Nick)
- Chacune de ses composantes. Le smog, par exemple, mais aussi son taux de criminalité, l'air empoisonné, les eaux polluées, la nourriture cancérigène... Mais encore la haine, le désespoir... La seul chose belle sur votre planète, ce sont les animaux, contre lesquels vous vous acharnez, et qui bientôt auront tous disparu, excepté les rats apprivoisés et les chevaux des champs de courses. Ca m'attriste, mais ça m'explique aussi pour quoi tu bois tant.
- Brillante analyse Jeannie. Et encore tu oublies nos centrales nucléaires.
- C'est vrai. En définitive vous n'avez pas su vous arrêter à temps, vous avez creusé votre propre tombe
." p. 136

Nick lui-même fait son propre constat de l'absurdité de la vie :
" Mais chacun de nous à tour de rôle a tout juste, puis tout faux, et vice versa. Et tout bien pesé, est-ce que ça compte de savoir qui baise qui ? C'est d'une telle banalité. Le cul, encore le cul, toujours le cul ! Dès la rencontre du spermatozoïde et de l'ovule, nous sommes liés à celle qui nous héberge. Et sitôt le cordon ombilical coupé, nous ne cessons de vouloir nous enchaîner à des tas d'autres choses : images, sons, sexe, argent, illusions, mère, masturbation, crimes et gueules de bois du lundi matin." p. 35. Tjours la provocation, mais derrière celle-ci : la vérité !

Pour terminer, un exemple du style très particulier de Buko :
" - Quelqu'un parmi vous aurait-il vu Cindy, Céline ou le Moineau Ecarlate ?
Personne ne cilla. l'un des deux clients finit par ouvrir sa bouche. Un trou béant. Il voulut parler. Effort inutile. Son voisin laissa glisser une main diaphane jusqu'à ses couilles. Sans doute pour se les gratter. Mais en avait-il encore ? Le barman se remomifia. Une figurine de papier mâché. Aussi décatie que le siècle. Du coup, je me sentis jeune." p. 12


Un écrivain, un style, qui au fil des pages ont su capter mon attention, malgré mon peu de goût pour ce genre littéraire et pour certaines formes de provocation !

Partager cet article
Repost0
20 février 2010 6 20 /02 /février /2010 18:44

51K3DTGWCML__SS500_.jpg

Livre dense qui se veut une sorte d'épopée de la Révolution française dans les Caraïbes.
On y découvre un personnage épique Victor Hugues qui passa du statut d'aventurier-libérateur à celui de protecteur de la Guadeloupe faisant régner la Terreur et important la guillotine dans les îles.
Le livre nous fait découvrir La Guadeloupe, Haïti, la Guyane, Cuba... mais aussi la France en pleine période révolutionnaire. Il décrit les combats d'idées entre les francs-maçons et les plus intransigeants des révolutionnaires. Robespierre, l'incorruptile restant la seule figure légendaire de l'épopée révolutionnaire. On assiste également à la déchéance lointaine des exilés que sont Collot d'Herbois qui meurt à Cayenne et Billaud Varenne qui survivra et se fixera à Haïti.
Je n'ai pas été totalement enthousiasmé par livre, je n'aime guère ces grandes fresques historiques même lorsqu'elles sont brossées par des écrivains talentueux. Parfois les descriptions se noient dans les détails. J'avoue d'ailleurs que grâce à la traduction j'ai appris au moins une trentaine de nouveaux mots français que je ne connaissais pas
.
Au final le grand mérite du livre est qu'il nous fait découvrir une des périodes les plus importantes de la vie des Caraïbes, époque où les enjeux entre la France, l'Angleterre, l'Espagne et les Etats-Unis sont énormes.

Partager cet article
Repost0
19 février 2010 5 19 /02 /février /2010 13:28


Lattrape-coeurs.jpg

Je dois avouer que je ne connaissais pas J.D. Salinger, avant qu'on annonce son décès récent. Devant les commentaires très admiratifs de son roman "L'attrape-coeurs" publié en 1951 et vendu à plus de 60 millions d'exemplaires dans le monde , j'ai décidé d'acheter cet ouvrage et de le lire rapidement. Ce qui fut fait.
Mon impression est qu'il s'agit effectivement d'un roman de grande qualité.

Pourquoi ?

Tout d'abord c'est un livre qui a pour thème l'adolescence. Le héros du livre Holden a seize ans et il promène son mal de vivre pendant les 237 pages du bouquin. Salinger sait rendre à merveille l'état d'esprit d'un jeune homme mal dans sa peau qui éprouve d'énormes difficultés à communiquer avec les autres qu'ils s'agisse de ses copains de collège, des filles qu'il s'évertue à draguer et des grandes personnes qui le regardent tantôt avec un
air soupçonneux, tantôt avec condescendance.
Chaque chapitre est consacré à une rencontre ou plutôt à une tentative avortée de rencontre avec une autre personne. Holden critique tout, semble être revenu de tout, voit toujours ce qui ne va pas chez les autres. Et pourtant à chaque instant on sent qu'il est en attente de l'autre, mais rien ne se passe. Evidemment Holden trouve des explications à tout. Mais son mal de vivre empire, sa solitude devient de plus en plus pesante, comme l'illustrent certaines phrases extraites du livre :

 "En tout cas ça m'a encore foutu le bourdon et j'ai été à deux doigts de reprendre mon manteau et de rentrer à l'hôtel. Mais il était très tôt et je tenais pas à me retrouver tout seul." (p.99)

"Le hall était vide. Ça chlinguait comme cinquante millions de cigares refroidis. Je vous jure. J'avais toujours pas sommeil mais je me sentais mal foutu. Déprimé et tout. Je me disais que je serais presque mieux mort, tout compte fait." (p.106)

"Quand la môme Sunny a été partie, je suis resté un moment assis dans le fauteuil et j'ai fumé deux ou trois clopes. Ouais, je me sentais misérable. Je me sentais tellement vidé, vous pouvez pas vous imaginer." (p.114)

On pourrait multiplier les exemples.
C'est à la fois un livre sur l'adolescence, mais aussi sur l'incommunicabilité et sur la solitude.

Autre raison de la qualité de ce roman, c'est la grande subtilité avec laquelle Salinger dépeint des situations de la vie courante. Maintes fois au cours de ma lecture, j'ai retrouvé des impressions vécues lors de ma propre adolescence dans mes relations avec des camarades de classe, dans des tentatives d'approche des filles, dans le décalage permanent entre nos préoccupations et les discours des adultes.
Holden, derrière sa carapace, déploie une intelligence parfois féroce :

"Ernie est un grand gros type qui joue du piano. Un snobinard de première qui vous dira pas un mot si vous êtes pas un ponte une célébrité ou quoi. Mais le piano il sait en jouer. IL joue si bien qu'il est un peu à la noix en quelque sorte. Je sais pas trop ce que je veux dire par la  mais c'est pourtant bien ce que je veux dire. Sûr que j'aime l'entendre jouer, mais quelquefois, son piano, on a envie de le foutre en l'air. C'est sans doute que parce que lorsqu'il joue, quelquefois, même ce qu'il joue ça vous montre qu'il est un gars qui parle seulement aux grands pontes." (p.94)

"Si vous voulez le savoir, je peux même pas supporter les aumôniers. Ceux qu'on a eus dans chaque école où je suis allé, ils avaient tous ces voix de prédicateurs foireux quand ils se lançaient dans leurs sermons. Bon Dieu, je déteste ça. Je vois pas pourquoi ils peuvent pas parler d'un ton naturel. Quand ils parlent ça fait tellement bidon."
(p.116)

La seule personne qui trouve gré aux yeux de Holden, c'est sa petite soeur Phoebé. Devant elle, il est admiratif. Il est lui-même. Entre eux deux, les paroles, les gestes sont d'une pureté et d'une simplicité totales.
Phoebe est franche avec Holden elle perce ses comportements d'adolescent en révolte :
"La môme Phoebé a dit quelque chose, mais j'ai pas compris. Elle avait le coin de sa bouche contre l'oreiller et j'ai pas compris.
J'ai dit : "Quoi ? Sors ta bouche de là. Je comprends pas quand t'ouvres pas bien la bouche.
- Tu aimes jamais rien de ce qui se passe"
Qu'elle dise ça j'en ai eu le cafard encore plus.
"Mais si. Mais si. Dis pas ça. Pourquoi tu dis ça, bon Dieu ?
- Parce que c'est vrai. T'aimes aucune école. T'aimes pas un million de choses. T'aimes rien.
- Mais si. C'est là où tu te trompes. C'est là où tu te trompes totalement."
J'ai dit "Pourquoi faut-il que tu dises ça, bon Dieu". Ouah. J'étais tout démoli."

Plus loin, Salinger décrit l'émotion qui s'empare de son personnage lorsque sa petite soeur lui avance l'argent de ses cadeaux de Noël afin qu'il puisse se payer des transports. On touche du doigt l'extrême sensibilité de l'adolescence :
"- Bon Dieu, y a combien ?
- Huit dollars quatre vingt cinq cents. Non, soixante cinq cents. J'en ai dépensé un peu."
Alors brusquement je me suis mis à chialer. Je pouvais pas m'en empêcher. Je me suis arrangé pour que personne n'entende, mais j'ai chialé. La pauvre Phoebé ça lui a foutu un coup et elle est venue près de moi et elle voulait que j'arrête mais quand on a commencé pas moyen de s'arrêter pile. J'étais toujours assis au bord du lit et elle a mis son bras autour de mon cou, et j'ai mis aussi mon bras autour d'elle mais je pouvais toujours pas m'arrêter. J'ai même eu l'impression que j'allais claquer à force de suffoquer. Ouah, la pauvre Phoebé, je lui ai foutu les jetons. La fenêtre était ouverte et tout, et je la sentais qui frissonnait parce qu'elle avait rien d'autre sur elle que son pyjama."
(p. 201). Emouvant n'est-ce pas !

La troisième raison qui fait que ce roman est un grand livre, c'est le style de l'auteur. Comme le lecteur a pu le comprendre en parcourant les quelques extraits ci-dessus, c'est un style familier, du langage courant, mais du langage courant d'étudiant, d'adolescent qui véhicule à merveille à la fois une intolérance chronique à l'égard des comportements des autres, une ironie grinçante et un extraordinaire besoin de communiquer, de découvrir, bref d'aimer ! Malheureusement le lecteur francophone perd certainement une grande partie des subtilités de la langue de l'écrivain, néanmoins, même à travers la traduction, transparaît cette vision du monde que peut avoir un jeune homme de seize ans dans les années 50, en marge de son milieu, mal dans ses pompes.

Quant au titre du livre "l'attrape-coeurs" il a sa source dans une chanson ou plus exactement dans une mauvaise compréhension des termes d'un poème de Robert Burns. Les termes exacts sont "Si un corps rencontre un corps qui vient à travers les seigles" et Salinger d'interpréter, via son héros : "Si un coeur attrape un coeur..."
Holden rêve alors d'un monde sans adulte :
"Je me représente tous ces petits mômes qui jouent à je ne sais quoi dans le grand champ de seigle et tout. Des milliers de petits mômes et personne avec eux - je veux dire pas de grandes personnes - rien que moi. Et moi je suis planté au bord d'une saleté de falaise. Ce que j'ai à faire c'est d'attraper les mômes s'ils approchent trop près du bord. Je veux dire s'ils courent sans regarder où ils vont, moi je rapplique et je les attrape. C'est ce que je ferais toute la journée. Je serais juste l'attrape-coeurs et tout. D'accord c'est dingue, mais c'est vraiment ce que je voudrais être. Seulement ça. D'accord, c'est dingue."

Partager cet article
Repost0
9 février 2010 2 09 /02 /février /2010 21:51


Capture plein écran 02062010 171249.bmp


J'ai d'abord choisi ce livre parce qu'il était court et que je ne disposais que de deux heures et demi pour le lire avant d'en rendre compte devant les participants à notre Square Littéraire.
Je n'ai pas été déçu. D'abord c'est un livre qui s'inscrit dans un contexte totalement réaliste et qui raconte une histoire avec un début et une fin.
Ce qui est fascinant ici c'est la tension croissante qu'éprouve le lecteur en tournant les pages les unes après les autres.
La mort de Santiago Nasar est programmée. On sait dès le départ qu'il va mourir. Il est accusé d'avoir commis l'irréparable : d'avoir défloré une jeune femme avant son mariage. Le jour du mariage, le mari découvre la situation et répudie sa femme. Les deux frères de la jeune femme cherchent à se venger et programment la mort du présumé fautif.
Le pire dans cette affaire est que tous les habitants du village savent ce qui va se passer, d'oû le titre du livre. Mais personne, personne ne prévient la future victime pour des raisons très diverses parfois. Le fait est là : tout le monde sait qu'il va être tué et personne ne fait rien.
Le livre se termine par le récit de l'assassinat.
C'est terrible, bouillonnant de réalisme. C'est du grand art.

Francesco ROSSI a adapté ce livre au cinéma il y a vingt cinq ans.

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : LIVREAPART
  • : Publication de critiques relatives à des romans, des essais français, francophones ou étrangers. Articles, interviews de philosophes. Réflexions personnelles Photos de voyages
  • Contact

LIBRE EXPRESSION DU JOUR

" Les gens courageux n'existent pas, il y a seulement ceux qui acceptent de marcher coude à coude avec leur peur."
Luis Sepulveda, " L'ombre de ce que nous avons été ", Métailié editeur, p. 148

Archives

Pages