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7 mars 2010 7 07 /03 /mars /2010 17:23



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Bukowski est un écrivain hors norme, une sorte de provocateur, qui cache une profonde détresse et des angoisses à n'en plus finir.
Ici il aborde le roman policier, à sa manière, c'est-à-dire en dehors des clous. Certains lui trouvent un talent fou, d'autres font la fine gueule. Il y a à la fois du Céline et du Frédéric Dard chez Buko. Alors, on aime ou on n'aime pas, c'est clair.
Pour ma part, je n'ai pas été tout de suite convaincu, ce n'est en tout cas pas du Céline, même si Céline est un des personnages fantastiques de Pulp, et c'est à l'évidence plus profond que du Frédéric Dard. A vrai dire c'est la première fois que j'abordais cet auteur à la réputation sulfureuse !
Au fil des pages cependant, et après de nombreux arrêts en cours de route, j'ai réussi à entrer dans l'univers totalement loufoque d'un "privé" caricatural qui a pour nom Nick Belane.
Les personnages qui entourent Nick  sont des créatures surréalistes : et d'abord, Lady Death, la Grande Faucheuse, qui veut à tout prix mettre la main sur Céline, l'écrivain qui bien que mort, hante chaque jour les rayons d'une librairie d'Hollywood, ensuite il y a Jeannie l'extra-terrestre qui renoncera à coloniser la Terre tellement cette planète la dégoûte, et enfin il y a l'énigme principale, celle du Moineau Ecarlate qui sera résolue d'une manière inattendue.
Intéressante cette réflexion de Nick qui s'adresse à l'un de ses interlocuteurs psychiatre de son état :
" Je m'étais décidé à venir le consulter pour qu'il me dise si Céline, le Moineau Ecarlate, la Grande Faucheuse, Nitro, Jack et Cindy Bass n'étaient que des fantasmes, et si, le cas échéant, je perdais la boule. Car aucun de ceux-là ne ma paraissait se comporter logiquement. Etaient-il sortis tout droit de mon imagination ? Et si oui, pourquoi ?" p. 92
Ce fameux détective, qui est en fait une véritable épave, malmené par la vie, obsédé par le sexe et sans cesse sur la défensive, est confronté à des énigmes toutes aussi farfelues les unes que les autres.
Mais Belane-Bukowski a sa propre vision de la condition humaine et c'est là toute l'originalité de l'ouvrage. Il vit mal sa vie d'homme.
L'un de ses personnages extra-terrestre établit un diagnostic sans ambiguïté de nos oeuvres, approuvé d'ailleurs par Nick :
 " - Qu'y a -t-il donc de si affreux sur cette... Terre ? (Nick)
- Chacune de ses composantes. Le smog, par exemple, mais aussi son taux de criminalité, l'air empoisonné, les eaux polluées, la nourriture cancérigène... Mais encore la haine, le désespoir... La seul chose belle sur votre planète, ce sont les animaux, contre lesquels vous vous acharnez, et qui bientôt auront tous disparu, excepté les rats apprivoisés et les chevaux des champs de courses. Ca m'attriste, mais ça m'explique aussi pour quoi tu bois tant.
- Brillante analyse Jeannie. Et encore tu oublies nos centrales nucléaires.
- C'est vrai. En définitive vous n'avez pas su vous arrêter à temps, vous avez creusé votre propre tombe
." p. 136

Nick lui-même fait son propre constat de l'absurdité de la vie :
" Mais chacun de nous à tour de rôle a tout juste, puis tout faux, et vice versa. Et tout bien pesé, est-ce que ça compte de savoir qui baise qui ? C'est d'une telle banalité. Le cul, encore le cul, toujours le cul ! Dès la rencontre du spermatozoïde et de l'ovule, nous sommes liés à celle qui nous héberge. Et sitôt le cordon ombilical coupé, nous ne cessons de vouloir nous enchaîner à des tas d'autres choses : images, sons, sexe, argent, illusions, mère, masturbation, crimes et gueules de bois du lundi matin." p. 35. Tjours la provocation, mais derrière celle-ci : la vérité !

Pour terminer, un exemple du style très particulier de Buko :
" - Quelqu'un parmi vous aurait-il vu Cindy, Céline ou le Moineau Ecarlate ?
Personne ne cilla. l'un des deux clients finit par ouvrir sa bouche. Un trou béant. Il voulut parler. Effort inutile. Son voisin laissa glisser une main diaphane jusqu'à ses couilles. Sans doute pour se les gratter. Mais en avait-il encore ? Le barman se remomifia. Une figurine de papier mâché. Aussi décatie que le siècle. Du coup, je me sentis jeune." p. 12


Un écrivain, un style, qui au fil des pages ont su capter mon attention, malgré mon peu de goût pour ce genre littéraire et pour certaines formes de provocation !

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Luis Sepulveda, " L'ombre de ce que nous avons été ", Métailié editeur, p. 148

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