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12 février 2010 5 12 /02 /février /2010 18:40


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Petit livre jubilatoire, brillant, baroque. Je me suis bien amusé en parcourant les 90 pages.
Voici ce qu'en disait le Magazine littéraire et qui résume parfaitement la nouvelle :
"Une étoile déclinante de Hollywood, qui en a marre de jouer les Apollon maudits de série B, recrute dans un lupanar d'Acapulco sept putes flanquées de leur matrone pour l'accompagner sur un ketch de location. A bord, notre Apollon se trouve confronté à « une confusion d'irritations et de désirs palpitants », prenant les jeunes femmes sur les genoux pour leur apprendre à pêcher et, finalement, disparaissant dans des libations érotico-mystiques, ébloui par la lumière trop vive de la chair. Une nouvelle drôle et virtuose, mêlant fantastique et pornographie, du grand romancier mexicain."  Magazine Littéraire n°426 - 01/12/2003

Pendant la première partie de la nouvelle on accompagne Vicente Valera qui survole la baie d'Acapulco, il arrive à son hôtel prend un bain, loue un ketch pour le lendemain. Rien que de très banal. Le soir il se rend dans un boîte de nuit ou des grappes d'hommes transpirant s'esbaudissent devant des danseuses dénudées, sous l'oeil vigilant d'une mère-maquerelle.
Vicente arrive à débaucher tôt le matin, la mère-maquerelle qu'il rebaptise Blanche-Neige, et sept danseuses nues qu'il choisit et qui deviennent les sept naines. Chacune a les caractéristiques d'un des nains de Blanche-Neige. C'est vraiment très amusant.
Tout ce petit monde embarque sur le ketch pour une partie... de pêche. Enfin ça, c'est pour la galerie. Vicente a d'autres intentions.
Et là on sombre dans une orgie entre mer et soleil, inénarrable! Fuentes s'en donne à cour joie, tout y passe, c'est du grand art. Son regard est à la fois complice et ironique.
Puis soudain tout bascule. Le lecteur est plongé dans un autre monde. Il passe d'un monde hyper-réaliste à un monde surréaliste.
Le fait générateur de cette métamorphose, il nous l'annonce brutalement en ces termes :
"12h1
Je viens de mourir, juste après le passage du soleil au zénith. Je viens de mourir en baisant. Je viens d'être tué par le plus gigantesque pompier de toute l'histoire du sexe."

Il s'ensuit des épisodes truculents où le mort, raidi (dans tous les sens du terme) sur le pont du bateau, observe Blanche Neige et les sept naines se débrouiller avec le cadavre et le bateau ivre.
Après de multiples épisodes, le cadavre finira, masqué, dans une tombe, à moitié décomposé et émasculé.

A titre d'illustrations, j'ai relevé deux passages significatifs.

La scène se passe dans une boîte de nuit.
" La palapa est la cathédrale gothique des tropiques. Ce grand parasol de palmes sèches et poussiéreuses peut servir à tout : abri contre le soleil, refuge nocturne, espace convertible, la palapa du Conte de fées est un cercle parfait d'êtres humains (des hommes seulement) déchaînés autour d'une piste sur laquelle dansent des jeunes filles de quinze à vingt ans, les seins à l'air et avec parfois seulement un cache-sexe. Parfois encore moins : ce que le Brésiliens nomment un "fil dentaire". Parfois rien. ou alors, tout au plus, un coquet petit châle à franges noué sur les hanches lorsqu'elles servent les boissons aux tablées de jeunes gens." (p.38)...

La scène ci-après se déroule sur le voilier loué par Vicente (mort en baisant). Là le mort contemple les sept danseuses (nues et naines) sur le bateau sans barreur :
"J'aimerais comprendre à quelle espèce elles appartiennent. La technique aussi bien que la nature leur sont également étrangères. Pour qui, pour quoi ont-elles été créées alors ? Les considérant depuis la mort, je les reconnais et les réconcilie. Ce sont des créatures de l'artifice, ni nature ni technique. Enchantent-elles le monde ? Elles ne sont peut-être que l'énergie de l'artificiel. Combien ce qui nous arrive est peu de chose, inutile, et pourtant intense."


J'ai vraiment passé un bon moment à lire cette nouvelle. Merci M. Fuentes.

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Carlos Fuentes (né en 1928 à Panama)

Carlos Fuentes obtient le Prix National de Littérature en 1985 et le prestigieux Prix Cervantès en 1987 pour l'ensemble de son oeuvre.
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Luis Sepulveda, " L'ombre de ce que nous avons été ", Métailié editeur, p. 148

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